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Le Festival des Toujours Jeunes !? Des seniors, des pros, des aidants, des voisins qui se "mélangent" 

24/05/2025

Les 25 et 26 avril derniers, à l’occasion de « la semaine de l’intergénération », CABASA organisait « Le Festival Des Toujours Jeunes » au sein de la résidence Porte De Hal. Retour sur deux journées de réflexion et de convivialité pour questionner notre regard sur le vieillissement et le déclin cognitif ; deux journées aussi pour promouvoir de nouvelles formes d’habitats inclusifs et intergénérationnels. Compte-rendu par Françoise Van Enst et François Dereau.

C’est par la projection du film documentaire Human Forever que s’ouvre le festival : Teun Toebes, jeune infirmier travaillant dans une unité sécurisée d’une maison de repos aux Pays-Bas, décide un jour de voyager à travers le monde en quête d’autres manières d’accompagner le vieillissement et les troubles cognitifs. « Comment respecter la dignité et l’autonomie des personnes concernées? » se/nous demande-t-il. Pendant 1h30, le film montre une image nuancée de la question du déclin cognitif, racontée ou montrée par les personnes elles-mêmes. Plus qu’un prétexte au débat, le film nourrira de son extraordinaire charge émotionnelle le débat qui lui fera suite.  

Devant une salle comble où se côtoient professionnels, résidents et visiteurs curieux, la table ronde réunit des acteurs du secteur social/santé, du monde associatif et de collectifs de personnes âgées. Elle est animée par Estelle Huchet de l’asbl Droit Devant, et se déroule autour de cette question centrale : « Comment rester "Human Forever" dans son habitat ? » 

D’emblée, plusieurs participants dénoncent l’infantilisation des aînés et le manque de reconnaissance de leur expérience. Plus encore, Michèle, du « Gang des vieux en colère », rappelle que la défense de la dignité de nos vieux jours est une lutte ; or, souligne-t-elle, la difficulté est de faire évoluer les institutions en Belgique, faute de moyens et de valorisation du personnel soignant. Elle insiste donc sur le rôle moteur de la société civile pour porter ces enjeux dans le débat public.

Annick Dufour (Alzheimer Belgique) revient sur la question du logement et met en avant le souhait majoritaire des personnes de rester chez elles. En ce sens, elle regrette le manque d’alternatives crédibles aux maisons de repos. Elle insiste aussi sur la nécessité d’un accompagnement personnalisé lors des transitions, pour maintenir la capacité de choix des personnes, même à un stade avancé de la maladie.

Amandine Kodeck (Infor-Homes Bruxelles) dresse quant à elle un état des lieux des alternatives d’hébergement, rares et souvent coûteuses, alors que la crise du logement frappe durement les aînés. 

Annick Mabille, part de son expérience d’assistante sociale pour rappeler que l’autonomie, c’est aussi savoir « choisir ses dépendances » et s’entourer d’un réseau de proximité. Elle souligne la difficulté d’appliquer ces principes dans la réalité quotidienne. 

Joëlle Hansoul (asbl Gammes) plaide pour un accompagnement centré sur la personne, inspiré de la philosophie Montessori, afin de permettre à chacun de rester acteur de son projet de vie, même modeste.

Enfin, Yann Vanwezer (De Wingerd) partage l’expérience de petites unités de vie intégrées au quartier, où l’institution s’adapte à la personne, et non l’inverse. Ce modèle vise à maintenir les liens sociaux et à repenser la place des personnes âgées dans la société. En ce sens, il regrette presque le paradoxe du succès du modèle « De Wingerd », celui de devoir pallier professionnellement des liens organiques qui, naguère, existaient spontanément au sein des quartiers et des communautés. 

Les échanges avec la salle mettront en lumière les difficultés financières, les inégalités régionales et la nécessité de renforcer la solidarité de proximité. Les intervenants en appellent à une meilleure collaboration entre acteurs publics, privés et associatifs, et à soutenir les projets innovants et inclusifs.

En clôture, Benjamin Carette, représentant d’Iriscare, revient sur les constats exposés : vivre dans la dignité, c'est d'abord pouvoir faire ses propres choix, et participer aux décisions qui concernent le quotidien, que ce soit à domicile, en maison de repos ou dans un habitat alternatif. S’il se réjouit de la richesse du débat et de la diversité des solutions proposées, il reconnaît tout le travail qui reste à faire au plan institutionnel pour une véritable évolution des politiques d'habitat et des modèles d'accompagnement et de soins.

Le débat pourrait se prolonger tant l’attention est grande et le sujet, dense. Mais après les mots de conclusions les conversations se poursuivent alors que les participants se mélangent, lors d’un copieux buffet concocté par les cuisiniers de la Résidence. 

Le festival a continué le lendemain. Même horaire, même endroit, autre ambiance. En effet, cette deuxième journée se voulait plus festive. 

Le public a d’abord découvert Nadia et la chorale intergénérationnelle de Labolobo. Elles nous ont enchanté avec un répertoire de chants des quatre coins du monde. Ce groupe composé de personnes d’âge différent et qui ne sont pas des professionnels, se réunit une fois par semaine pour le plaisir de chanter et de se produire de temps à autre.

Vint ensuite un moment de lecture de textes écrits par les habitants de la Résidence Porte de Hal avec l’asbl Entr’âges lors d’un atelier slam. Le slam est un médium libre qui mobilise, agite les mots dans un va et vient entre l’écrit et l’oralité. Chaque participant nous a donc partagé son texte qui racontait « ce que j’aime » et «  ce que je n’aime pas du tout ». Les paroles résonnaient juste et ont ému les spectateurs. Le contenu appartient aux créateurs des textes.

Ensuite, Mirko et une partie du gang des Vieux en colère sont montés sur scène et nous ont présenté quelques extraits de leur cabaret. Ce groupe de pensionnés engagés et militants s’invite dans la sphère publique par des actions coup de poing au service de batailles sociétales par exemples : la raréfaction des guichets de banque qui rend l’accès au cash inaccessible ; le démantèlement de la sécurité sociale et le statut de la Grappa qui durcit les règles pour pouvoir en bénéficier ; le prix du transport en train pour les personnes âgées de 65 ans et plus, qui va être supprimé prochainement et qui sera à l’avenir beaucoup plus cher.

Enfin, pour terminer cet après-midi de fête, Clara de la Mosa Ballet School nous a fait danser. 

Tout en douceur, sur de la musique, nous avons commencé à bouger les bras, les jambes, la tête… Tout le corps, assis sur une chaise. Puis la musique s’est emballée, et Clara nous à invités à danser au milieu du cercle et à inviter une personne. Ce fut un moment magique, de bonheur, ou des couples improbables se sont formés et ont dansé. Un moment de communion !

Des modes d’expression variés, des sourires radieux, des remerciements mutuels ont fait de cette journée une parenthèse de bonheur pour tous. 

A nos yeux, cette troisième édition est un succès. Parce qu’ensemble, on a parlé de vieillesse, de choix, de liberté, de dignité... Ensemble, on a échangé sur nos pratiques, des projets en construction, des idées novatrices... Ensemble on a parlé, chanté, récité, dansé. Habitants, voisins, proches, pros de la maison de repos ou de l’extérieur, salariés ou bénévoles. On s’est regardé, écouté, parlé, touché... Et ça nous a fait un bien fou. 

Alors, on sait que le contexte n'est pas propice à dire qu'on veut investir dans l'humain et que l'on désire vivre dans une société inclusive. Mais là, le temps d'un après-midi, c'était bon d'"oser" passer les portes d'une maison de repos et de se "mélanger". Merci à toutes les personnes qui ont rendu ça possible.

 

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