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On vous présente... Damien

19/05/2025

Parmi les membres du collectif CABASA, Damien est celui qui travaille quotidiennement avec les aînés. Fort de cette expérience professionnelle qui nourrit sa réflexion d’année en année, il alimente de sa perspicacité les débats et questions qui animent notre association. Raison pour laquelle, il contribue régulièrement à l’article de fond de notre newsletter. 

J’aime beaucoup cette démarche “d’aller vers” que nous sommes amenés à faire en tant que professionnels qui travaillent en lien avec les personnes âgées, c’est-à-dire aller vers la personne qui n’ose pas toujours faire la démarche de dire qu’elle ne va pas bien ou qu’elle aurait besoin d’une aide…

Damien, peux-tu te présenter ? 

Je ne sais pas très bien par quel bout commencer : j’approche de la cinquantaine, j’ai deux enfants, j’habite à Jette et depuis petit, j’ai un intérêt marqué pour les personnes âgées. J’ai toujours eu à la fois une facilité, une envie d’entrer en contact et un rapport privilégié avec les aînés.

C’est-à-dire ? Tu peux raconter la genèse de cet intérêt ?

Ça a commencé quand j’étais petit : mes grands-parents qui vivaient en milieu rural dans la province de Liège me proposaient régulièrement de rendre visite à des personnes âgées isolées du village.. Ces gens étaient très gentils et ils avaient l’air contents de recevoir la visite d’un petit garçon qui venait un peu briser leur isolement. Comme quoi, l’isolement des aînés est un questionnement qui n’est pas nouveau.

Cet intérêt pour la personne âgée a ensuite nourri ton parcours professionnel… 

Oui, je suis venu m’installer à Bruxelles vers les années 2000 après avoir  suivi un cursus en psychologie en orientant mes études sur ces questions-là. Bien qu’il y avait peu de cours sur cette thématique, je me souviens de l’angle que nous apportait par exemple, un cours de psychologie clinique que dispensait un certain Philippe Meire qui avait autorité dans le domaine en tant que médecin pionnier dans le domaine de la psychogériatrie. Un cours de psychologie développementale abordait aussi cette question de manière plus basique mais j’étais plus intéressé par l’aspect clinique et concret du travail. J’ai encore approfondi cette orientation par les stages que j’ai effectués notamment à la Clinique des Deux-Alices qui, à l'époque, avait un pôle gériatrie déjà très développé. Aujourd’hui, les formations en psychogériatrie se sont développées et je participe d’ailleurs à une de ces formations en donnant un cours à La Haute Ecole Léonard de Vinci.

Avec un certain recul, comment expliques-tu que cet intérêt pour ce public se soit poursuivi ? 

Ce qui m’avait marqué à l’époque de ces visites dans le village de mes grands-parents , c’était la facilité du contact et de l’accueil de ces personnes. Un côté très franc, très vrai sans tergiversation ni fioritures. On parle d’ailleurs d’une certaine forme de désinhibition chez les personnes âgées. C’est ce que j’ai apprécié et apprécie encore dans mon contact avec bon nombre de personnes âgées.

Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, tu travailles quotidiennement avec les aînés… 

Oui, cette vulnérabilité que j’ai perçue chez beaucoup de ces personnes me renvoyait au sentiment de pouvoir être utile. Avec l’impression que je pouvais faire beaucoup pour les aider. Cette vulnérabilité m’encourage par ailleurs à assumer ma propre vulnérabilité. Et c’est cette vulnérabilité qui fait notre humanité. Dans une relation où on peut assumer cette partie plus fragile face à l’autre en lui disant “j’ai besoin de toi, tu peux m’aider si tu en as envie”.  

J’aime beaucoup cette démarche “d’aller vers” que nous sommes amenés à faire en tant que professionnels qui travaillent en lien avec les personnes âgées, c’est-à-dire aller vers la personne qui n’ose pas toujours faire la démarche de dire qu’elle ne va pas bien ou qu’elle aurait besoin d’une aide…

Tu as une anecdote professionnelle à partager avec nous ?

J’ai été marqué par une visite post-hospitalisation à un monsieur, rentré à domicile. Je vais donc le voir dans son appartement et je me suis rendu compte de son grand isolement. Il me disait que sa vie n’avait plus de sens, qu’il y avait une trop grande monotonie et plus rien d’attrayant. En étant à l’écoute de cet homme, je me disais que mon intervention consistait principalement à aller à l’écoute de quelqu’un en retrait des “standards” actuels de la société  où il faut être actif et faire tous les jours des choses intéressantes et qu’en plus, il faut le montrer. Et ce monsieur était tout à l’inverse de ça. Il n’a rien à montrer aux autres : il  il est sans prétention et plein d’une humilité qui m’a touché. C’est ce qui me plaît dans mon travail avec les personnes âgées : j’ai l’impression de pouvoir être en contact avec quelqu’un qui cherche simplement à exister dans le regard d’un autre, malgré sa fragilité et son sentiment d’inutilité... C’est un travail de l’ombre, ce n’est pas quelque chose de spécialement valorisant. Je ne vais pas recevoir de médaille pour cela mais c’est ça qui me plait finalement… 

D’une certaine manière, tu raccroches des gens à la vie…  

Oui, c’est aussi ce côté que j’aime bien dans mon travail de pouvoir m’occuper des gens qui n'ont aucune visibilité, qui ont l’impression que leur existence n’a aucune valeur en leur démontrant qu’ils comptent pour quelqu'un comme moi. Et l’inverse est vrai, ces personnes ont souvent la volonté de me rendre la pareille. Souvent, ces personnes préfèrent me rétribuer par des objets sans valeur si ce n’est sentimentale ou symbolique. Je pense notamment à une boîte d’allumettes. Ce qui compte aussi beaucoup pour moi, c’est de pouvoir accueillir toute cette expérience de vie acquise : c’est une grande richesse de la percevoir et même de pouvoir en tirer profit personnellement en me disant, par exemple, ‘’tiens, elles font comme ça dans leur vie ? Et moi, est-ce que je ferais différemment ? Est-ce que j’arriverais à faire ce que ces personnes ont réussi à faire ? ‘’

Tu parles de ces objets symboliques qui t’accompagnent… Y a t-il une phrase,  un motto, un slogan ou une citation… qui t’anime au quotidien ?

En rapport avec ce que je viens d’évoquer, on peut citer l’ancien président américain Jimmy Carter qui disait : ‘’la mesure d’une société se trouve dans la manière dont elle traite ses citoyens les plus faibles et les plus démunis’’.  Pour le dire autrement, c’est participer d’une certaine manière à ce qui constitue les fondements d’une démocratie, à savoir la façon dont on s’occupe et se charge des plus faibles et des plus fragiles au sein d’une société. Le fait qu’on ne les délaisse pas à partir du moment où elles n’ont plus les aptitudes à pouvoir performer. 

Est-ce à dire qu’il faut considérer les personnes âgées comme faibles et démunies ?

Je crois que c’est important, de pouvoir appréhender aussi différemment les personnes. de se mettre dans d’autres dispositions et de mettre en avant les aspects positifs du vieillissement. Ce que fait très bien Danielle Quinodoz dans son livre “Vieillir, une découverte’’.  Et se garder de stigmatiser la personne âgée. En voyant la personne avant de la catégoriser ou d’avoir des aprioris. Parce que certaines personnes âgées sur le papier se vivent et se sentent beaucoup plus jeunes. C’est tout un travail de ‘’dissoudre’’ ses représentations. Je me suis remis en question à travers les années : durant ma formation en psychothérapie, je me disais qu’il y avait un truc spécifique à ce public et je n’ai eu de cesse de le chercher jusqu’à me rendre compte qu’il fallait avant tout voir la singularité de la personne devant soi avant de voir qu’elle est âgée. 

Cependant, il y a des points communs au grand âge: par exemple, en lien avec mon intérêt à participer au projet de CABASA, on ne peut pas nier que beaucoup de personnes plus âgées vivent dans un fort isolement et rencontrent certains soucis en matière de logement. 

Ce sont ces difficultés qui t’ont décidé à t’engager au sein du collectif CABASA ? 

Ce qui m’a d’abord plu dans le projet et dans tout projet en fait, c’est la possibilité de rencontrer de chouettes personnes et en effet, la possibilité d’approfondir de façon bénévole et donc avec une certaine liberté, des sujets qui me travaillent au niveau professionnel. C’est une manière de voir les choses de manière plus concrète. 

Bien sûr, je vois dans mon activité professionnelle, à quel point le logement est une question importante pour les personnes âgées.  Il y a plein de personnes qui, par exemple, après une hospitalisation, veulent rentrer chez elles à tout prix. Qui préfèrent leur domicile habituel, souvent dans des conditions vraiment pas évidentes parce que, souvent, dans des structures classiques, on leur propose de changer complètement d’existence, de vie et d’habitudes. Cabasa dans son projet propose quelque chose qui est beaucoup plus acceptable sur tous les plans, notamment parce qu’il prend en compte la singularité des habitants. Et parce que c’est une vraie alternative par rapport à ce qui existe.

Quel rôle joues-tu au sein du collectif ? 

Je fais partie du groupe de travail “réflexion” et par rapport au projet @HOME, je joue un rôle de soutien et de réflexion plutôt que d’action. De soutien dans le sens de porter quelque chose à travers des réflexions ou à travers des expériences glanées dans mon activité professionnelle. Je ne suis pas une personne d’action qui met en œuvre les choses concrètement. Ce qui m’intéresse dans ce groupe de travail, c’est l’assise et la mise en place de balises, ce qui me permet de travailler les aspects du projet d’une manière plus ‘’intellectuelle’’ et aussi de conscientiser des marches à suivre. Par exemple, quand on se penche sur la question du “chez-soi’’, on doit essayer d’apporter des réponses et c’est ce que j’ai l’impression de faire pour le moment. 

As-tu un rêve ou une aspiration pour le projet ou pour toi, au sein de CABASA ?

Je suis très curieux par rapport à ce qu’il va advenir. J’ai quelques inquiétudes, modérées,  par rapport au fait d’accueillir des personnes qui ont des troubles cognitifs dans un habitat intergénérationnel alternatif. J’ai un peu peur qu’on ait envie de poursuivre des idéaux de façon un peu illusoire. Mais en même temps je suis très frappé positivement de voir l’état d’avancement du  projet @HOME qui se concrétise petit à petit.. Même si la maison n’est pas encore ouverte, je suis déjà impressionné de voir tout ça : que ça rassemble autant de gens et qu’on avance bien.

 

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